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10 obstacles à la justice et comment les surmonter

Tunis, le 24 janvier 2023 – La Tunisie s’achemine à grands pas vers un nouvel examen par le Comité contre la torture des Nations unies. En novembre 2022, le Comité a adressé à l’État tunisien une liste de questions destinées à évaluer les mesures prises pour éradiquer la torture et l’impunité, depuis son dernier examen en 2016. Le Comité avait alors publié un rapport assorti de recommandations visant à guider l’État tunisien dans les réformes à entreprendre pour se conformer à ses engagements internationaux.

« Huit années après l’examen du Comité, force est de constater que peu a été fait en la matière. Le cahier des charges demeure important et le temps pour le mettre en œuvre est compté », estime Najla TALBI, directrice du programme SANAD, le centre d’assistance pluridisciplinaire aux victimes de torture et mauvais traitements de l’OMCT.

L’Organisation mondiale contre la torture adresse aujourd’hui à l’État tunisien un guide qui détaille 10 facteurs majeurs d’impunité. « 10 obstacles à la justice – guide des réformes législatives à mener pour lutter contre l’impunité » présente les 10 principaux obstacles jalonnant l’accès des victimes de torture et mauvais traitements à la justice. Des entraves posées par les agents sécuritaires à la lenteur des enquêtes, en passant par le manque de prérogative des victimes dans les procédures judiciaires et le manque de diligence de certains magistrats.

Ce diagnostic repose sur dix ans d’expérience de SANAD en matière de contentieux pénal et administratif pour obtenir justice pour ses bénéficiaires. Des contentieux longs et souvent pénibles pour les victimes qui sont parfois couronnés de succès, mais trop souvent d’échec.

« Grâce à sa solide expérience en matière d’assistance juridique, SANAD a acquis une connaissance fine des rouages de l’impunité et des réformes précises et urgentes à mener pour l’enrayer », affirme Hélène LEGEAY, directrice de SANAD Elhaq, le groupe d’action judiciaire de SANAD.

Le guide « 10 obstacles à la justice » propose à l’État tunisien 22 recommandations de réformes législatives à mettre en œuvre pour se conformer à ses engagements internationaux en matière de lutte contre l’impunité.

Les réformes législatives ne sont qu’une composante des réformes à mener. Outre le cadre légal, les pratiques judiciaires et sécuritaires doivent aussi être améliorées. De nombreux obstacles s’enracinent toutefois dans les lois elles-mêmes. Des réformes législatives profondes sont urgentes et nécessaires pour paver la voie à l’accès des victimes de violence institutionnelle à la justice.

Le prochain examen de la Tunisie par le Comité contre la torture aura vraisemblablement lieu en 2024. Il est encore temps d’agir !

En attendant l’avènement de ces réformes, SANAD développe un nouveau type de contentieux pour obtenir réparation pour ses bénéficiaires victimes de torture et mauvais traitements : le contentieux administratif en responsabilité de l’Etat. SANAD publie aujourd’hui un « Guide pratique sur la responsabilité de l’administration en matière de torture et mauvais traitements » afin d’appuyer les victimes et leurs avocats dans ce contentieux prometteur.

Les outils de la campagne #10_Obstacles :

  • Vidéo sur l’inadéquation de la définition de la torture dans le code pénal tunisien : facebook / instagram
  • Vidéo sur les difficultés rencontrées par les victimes pour jouer un rôle actif dans les enquêtes pour torture et mauvais traitement : facebook / instagram
  • Animation sur les insuffisances des enquêtes pour torture et mauvais traitements : facebook / instagram
  • Vidéo sur la lenteur de la justice avec un témoignage sur le père d’une victime de mort suspecte : facebook / instagram

Contact médias:

Oussama BOUAGILA, chargé de plaidoyer à l’OMCT : 27.842.197

Lire le communiqué de presse en arabe

Lire le guide en arabe

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Responsabiliser l’État pour les tortures et mauvais traitements commis en Tunisie : un contentieux prometteur

Plus de 600 cas de torture et mauvais traitements ont été documentés par SANAD entre 2013 et 2021. Aucun n’a donné lieu à une condamnation pour torture. Seule une condamnation sur ce fondement a été prononcée en 2011. Les rares autres procès qui ont vu le jour ces dernières années ont vu les faits qualifiés de violence, même lorsqu’il s’agissait de torture selon la définition donnée par la Convention contre la torture. Dans tous les cas, les indemnisations prononcées par le juge pénal ont été faibles, bien inférieures au préjudice subi par la victime.

Face aux insuffisances de la justice pénale, SANAD Elhaq se tourne vers la justice administrative tunisienne.

Elle met en place une stratégie de contentieux administratif visant à obtenir réparation pour ses bénéficiaires, que les faits aient ou non été portés à l’attention de la justice pénale. Ces requêtes, qui prennent la forme de recours de plein contentieux, consistent à mettre en cause la responsabilité d’une administration (essentiellement le ministère de l’Intérieur ou le ministère de la Justice pour les cas qui nous intéressent) pour la torture ou les mauvais traitements infligés par ses agents. L’objectif est que cette responsabilité soit reconnue et que l’administration indemnise la victime pour les différents préjudices subis. La torture ne blesse pas que le corps, elle détruit l’équilibre psychologique des victimes et peut entraîner une stigmatisation sociale, la perte d’un emploi ou d’une opportunité d’emploi, elle peut s’accompagner de pertes matérielles et occasionner des dépenses, tels que des frais médicaux.

Les préjudices physiques, psychologiques, moraux, matériels, financiers engendrés par la torture sont nombreux et doivent tous être dûment indemnisés pour mettre la victime sur la voie de la réparation.

A travers le contentieux administratif, SANAD Elhaq espère aider des victimes à reprendre leur vie, mais aussi responsabiliser l’administration et l’État afin de prévenir à l’avenir le recours à la torture. Aussi regrettable que cela paraisse, il parfois attendre d’un problème social devienne coûteux pour que l’État s’y attaque.

Un guide pour outiller les avocats dans un contentieux technique

Comme première étape de cette nouvelle stratégie contentieuse, SANAD Elhaq publie un guide sur la jurisprudence du tribunal administratif en matière de responsabilité de l’Etat. Rédigé par Anouare MNASRI, magistrate au tribunal administratif de Tunis, avec le concours Sara YAAKOUBI, le guide présente les bonnes pratiques et les précédents sur lesquels les avocats de SANAD Elhaq pourront s’appuyer pour élaborer des recours étayés et bien argumentés.

Le guide couvre tous les aspects du plein contentieux, de la qualification de la responsabilité à l’utilisation opportune des référés, en passant par la difficile évaluation des différents préjudices subis par les victimes. Il doit être lu à l’aune des standards internationaux en matière de réparation pour les victimes de torture et mauvais traitements, et notamment l’Observation générale n°3 du Comité contre la torture sur l’article 14 de la Convention contre la torture sur le droit à réparation, ainsi que les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire

Sur la base du guide, l’OMCT a élaboré deux petits guides en arabe pour appuyer la préparation, par les avocats, de recours en plein contentieux pour les personnes victimes d’assignation à résidence et de mesures de contrôle administratif arbitraires sur la base de leur fichage :