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600 jours après l’article 80 : De l’état d’exception à l’instauration de l’autocratie

L’Alliance Sécurité et Libertés (ASL), dont OMCT est membre, publie son cinquième rapport sur l’État de droit et l’état des libertés en Tunisie. Amorcé au lendemain du coup de force du Président Saïed le 25 juillet 2021, le travail de monitoring et d’analyse quantitative et qualitative mené par ASL revient dans cette cinquième édition sur les événements, décisions et réactions qui ont suivi le vote controversé de la nouvelle Constitution tunisienne le 25 juillet 2022.

Il y a plus d’un an et demi, le 25 juillet 2021, le Président Saïed activait en effet l’article 80 de la Constitution et instaurait un état d’exception. Cette date a marqué le début de son entreprise de démantèlement des institutions issues de la transition post-2011 : parlement gelé puis dissous, instances constitutionnelles dissoutes, pleins pouvoirs par décret, ratification d’une Constitution unilatéralement rédigée par Saïed et votée dans des conditions délétères…  

Le tableau que dresse ce bulletin laisse peu de doutes quant aux desseins autocratiques du Président Saïed et sa volonté de clore définitivement le chapitre de la transition démocratique en Tunisie. Il impose de manière unilatérale un projet politique aux contours flous mais assurément vertical, autoritaire et populiste.

Plusieurs tendances et évolutions se dégagent du travail de monitoring et d’analyse de ASL.

Au niveau institutionnel, la période a été marquée par le vote et la ratification de la nouvelle Constitution consacrant l’hypertrophie de l’exécutif au détriment des pouvoirs législatif et judicaire, considérablement affaiblis. Les scrutins ayant mené au vote de la Constitution et à l’élection de la première chambre du Parlement se sont caractérisés par leur incompatibilité avec les normes électorales et des taux de participation historiquement bas. Le pouvoir judiciaire continue quant à lui d’être attaqué et démantelé, le tout sur fond de crise socio-économique majeure. 

En parallèle, les droits et libertés continuent de s’éroder, dans un contexte d’instrumentalisation de la justice et de l’appareil sécuritaire, et de répression des opposant.e.s, de la presse et des syndicats. Les mesures administratives arbitraires de restrictions des libertés et l’adoption de décrets-lois liberticides sont devenues des pratiques courantes. Ces derniers mois ont aussi été marqués par une campagne de violences racistes – soutenues par la rhétorique haineuse de l’État – envers les populations subsahariennes, à l’heure où toujours plus de migrant.e.s (Tunisien.ne.s ou non) tentent de rejoindre l’Europe par la mer au péril de leur vie.

Enfin, l’étau se resserre toujours davantage sur une opposition qui peine à faire front uni face au régime. La scène politique demeure instable et mouvante. Plusieurs initiatives d’opposition (civiles et politiques) coexistent mais ne parviennent pas à constituer une force d’opposition en capacité de mettre à mal les desseins autoritaires du Président, tandis que certain.e.s de ses allié.e.s prennent leurs distances.

Sur la scène internationale, la Tunisie s’isole. Les condamnations s’enchaînent et s’intensifient même depuis les vagues d’arrestations de personnalités publiques de ces derniers mois et le déploiement d’une rhétorique xénophobe à l’encontre des migrant.e.s subsaharien.ne.s. C’est dans ce contexte que le Président engage des efforts diplomatiques, notamment auprès des États arabes, pour obtenir des soutiens à l’international.

L’alliance Sécurité et Libertés

L’Alliance pour la Sécurité et les Libertés (ASL) est une alliance d’organisations de la société civile tunisienne et internationale basée en Tunisie qui, dans la continuité de la Révolution de la Liberté et de la Dignité, réfléchit, mobilise et agit pour que la Tunisie consolide la construction d’un Etat démocratique dont les politiques publiques sont au service des citoyens garantissant la paix, le respect de leurs droits humains et de l’égalité entre toutes et tous.

Quatre bulletins périodiques ont déjà été publiés 50100200365 et 600 jours après le 25 juillet 2021. 

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Journée nationale contre la torture : La torture est un crime imprescriptible !

Tunis le 8 Mai 2023,

Journée nationale contre la torture : La torture est un crime imprescriptible !

Chaque année, le 8 mai, notre pays commémore la Journée Nationale contre la Torture, qui a été déclarée par le mouvement des droits de l’homme et diverses composantes de la société civile à la suite du martyre du combattant de la liberté Nabil Barkati, sous la torture, en 1987 au poste de police de la ville de Gaafour.

Malgré la reconnaissance officielle du 8 mai comme journée nationale contre la torture, la société civile continue d’appeler l’État tunisien à l’approuver d’une manière effective en honneur de toutes les victimes de la torture et comme affirmation de l’engagement de l’État pour mettre fin aux pratiques de violations flagrantes des droits humains.

Aujourd’hui, 36 ans se sont écoulés depuis le martyre de Nabil Barkati, et cette affaire n’a toujours pas bougé dans une absence totale de vérité et une perturbation délibérée du travail des chambres spécialisées de la justice transitionnelle, malgré le passage de cinq ans depuis le début de ses premières sessions. Ceci est accompagné par la continuation des violations flagrantes des droits de l’homme et de l’élargissement de la liste des victimes de torture pour inclure de nouveaux noms tels que Omar Laabidi, Walid Denguir et Malek Selimi et bien d’autres noms…

08 mai 2023, la liste des victimes continue de s’allonger pour inclure de larges segments de la société tunisienne à savoir les personnes issues des quartiers populaires/groupes marginalisés et divers acteurs des affaires publiques, à la lumière du phénomène persistant de l’impunité, jusqu’à ce qu’il s’apparente davantage à une politique systématique.

A cette occasion, les organisations ci-dessous commémorent la Journée Nationale contre la torture en organisant un nombre d’événements aux niveaux national et régional :

  • Invite tous les journalistes à couvrir la conférence de presse qui se tiendra le mercredi 10 mai à 10h du matin au siège du SNJT, afin d’éclairer l’opinion publique sur la réalité de la torture en Tunisie ;
  • Appelle à l’insertion au journal officiel de la République Tunisienne du 8 mai comme Journée Nationale contre la Torture au sein de la liste des fêtes nationales, et nous insistons sur la nécessité de la consacrer pratiquement par tous les organismes et institutions publics pour assurer une éducation de masse et une sensibilisation populaire afin que le fléau de la torture soit éradiqué de notre pays ;
  • Invite les différents acteurs à assister à l’audition du martyr Nabil Barkati devant la chambre spécialisée en justice transitionnelle au tribunal de Première Instance de Kef le vendredi 12 mai 2023.

Organisations signataires :

  1. Organisation du Martyr de la Liberté Nabil Barkati: Mémoire et Fidélité
  2. Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
  3. Instance Nationale pour la prévention de la torture
  4. Organisation Contre la Torture en Tunisie 
  5. Coalition Tunisienne Contre la Peine de Mort   
  6. Coalition Tunisienne pour la justice transitionnelle
  7. Organisation Mondiale Contre la Torture
  8. Avocats Sans Frontières
  9. Association pour la promotion du droit à la différence 
  10. Association Karama pour les droits et les libertés
  11. Réseau tunisien pour la justice transitionnelle
  12. Association Joussour pour le développement à Medenine
  13. Association tunisienne de défense des libertés individuelles
  14. Le Groupe Tawhida Ben Cheikh
  15. Al Bawsala
  16. Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme
  17. Association Ensemble
  18. Legal Agenda
  19. L’initiative Mawjoudin pour l’égalité
  20. International Alert
  21. EuroMed droits
  22. Association Awledna
  23. Asswat Nisaa

POUR LIRE LA VERSION ARABE

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Affaire Lina Ben Mhenni : Quand justice sera-t-elle enfin rendue ?

Tunis, le 25 avril 2023 – Lina avait 31 ans lorsqu’elle a été rouée de coups par des policiers au district de Houmet Essouk, le 30 août 2014. Une plainte, une enquête et deux procès plus tard, la quête de justice de ses parents n’est toujours pas exaucée, près de neuf ans après l’agression.

Cette affaire est emblématique des défaillances de la justice qui croule sous le poids de l’appareil sécuritaire. Le premier procès s’est terminé en 2020 avec la condamnation des deux accusés à un an d’emprisonnement et 500 TND de frais de justice. Il ne s’agissait que d’une victoire de façade car les accusés n’avaient pas daigné assister à leur procès et continuaient d’exercer leur fonction, en toute impunité.

Après avoir fait opposition de leur condamnation, un nouveau procès s’est tenu en 2021, en présence des accusés cette fois. Le 2 décembre 2021, le tribunal de première instance de Médenine a rendu un nouveau verdict, beaucoup plus clément. Il a acquitté l’un des accusés et condamné le second à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 300 TND de frais de justice. Une décision très indulgente eu égard à la gravité de l’agression.

Les parents de Lina ont fait appel.

Ce 25 avril, une audience se tiendra devant la Cour d’appel de Médenine.

A cette occasion, l’OMCT et l’association LINA BEN MHENNI rappelle à l’Etat tunisien ses obligations en matière de lutte contre la torture et les mauvais traitements. Tant la Constitution tunisienne que la Convention contre la torture ratifiée par la Tunisie en 1988 font obligation aux autorités tunisiennes de mener des enquêtes promptes, indépendantes et impartiales, de sanctionner les violations de peines reflétant leur gravité et d’accorder une réparation satisfaisante aux victimes et à leurs ayants droits. Ces obligations indérogeables nécessitent que le pouvoir judiciaire puisse exercer ses fonctions en toute indépendance, sans pression politique ni policière, et que la mise en œuvre de ses décisions ne dépende pas du bon vouloir des accusés. Nous appelons aussi le ministère de l’Intérieur à mener des poursuites disciplinaires à l’encontre des accusés et à adopter les sanctions qui s’imposent.

Les autorités tunisiennes ont un devoir d’exemplarité et doivent enfin adopter une politique de tolérance zéro en matière de violence institutionnelle.

#JusticepourLina          

#ila_mata?

Contact :

• OMCT : Oussama Bouagila, Téléphone : 27 842 197, Email: ob@omct.org

• Association LINA BEN MHENNI : Sadok Ben Mhenni, Téléphone : 53 214 245