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15 Fév 2024 | SANAD – Publication du rapport « Les traces de la torture – L’enquête et la documentation médicales et médico-légales de cas d’allégations de torture et autres mauvais traitements en Tunisie »

15 février 2024 – La documentation médicale et médico-légale joue un rôle crucial dans la lutte contre la torture et les mauvais traitements. Le travail des professionnels de la santé et du droit est primordial pour saisir, documenter, présenter aux autorités judiciaires les traces physiques et psychologiques immédiates et permanentes de la torture et les utiliser dans le cadre du parcours judiciaire. Face à ce constat, l’OMCT a décidé d’entreprendre une première recherche sur la production (la qualité, la promptitude, la rigueur, l’indépendance), l’accessibilité, et l’utilisation judiciaire de la documentation médicale et médico-légale dans les cas de torture et mauvais traitements.

Le rapport de l’OMCT « Les traces de la torture – L’enquête et la documentation médicales et médico-légales de cas d’allégations de torture et autres mauvais traitements en Tunisie » est le fruit d’un travail d’analyse et de réflexion mené avec les représentants professionnels de toutes les spécialités concernées par ce sujet. Cette étude offre un aperçu général des obstacles procéduraux et structurels auxquels les victimes sont confrontées en pratique et qui impactent négativement la qualité de la documentation médicale et médico-légale, son accessibilité et son utilisation au cours des procédures judiciaires. La réalité concernant la production, la récupération et l’utilisation de chaque document est passée au crible, à l’aune du droit tunisien et des standards internationaux. Le rapport envisage les différentes causes des obstacles identifiés, allant du nombre limité de médecins pénitentiaires pour documenter l’état de santé des détenus victimes de violence, à la faible formation des médecins urgentistes en médecine légale pour établir les certificats médicaux initiaux, en passant par les pressions qui sont parfois exercées par les agents sécuritaires sur les médecins en première ligne et les insuffisances caractérisant certaines ordonnances d’expertise médico-légale, parmi de nombreuses autres raisons structurelles et procédurales mentionnés.

Les obstacles identifiés dans ce rapport sont autant de pierres qui s’empilent pour dresser un mur d’impunité. Ils ne sont cependant pour la plupart pas propres à la seule preuve médicale et médico-légale et touchent d’autres aspects de la quête de justice des victimes. Certaines difficultés liées à la réalisation d’expertises médico-légales promptes et satisfaisantes sont liées au manque de prérogatives de la victime au stade de l’enquête judiciaire qui entrave de façon générale sa capacité à faire réaliser par les magistrats certains actes d’enquête nécessaires à l’établissement de la vérité.

D’autres obstacles qui se présentent pour faire établir ou récupérer un CMI ou un rapport d’examen médical en garde à vue sont liés aux menaces ou pressions exercées par la police sur le personnel médical. Ce pouvoir de pression de l’appareil sécuritaire impacte d’autres aspects du processus judiciaire et se traduit par l’obstruction dans la délivrance d’autres types de preuves (enregistrements vidéos, registres de présence, etc.) et l’absence très fréquente des agents de police accusés à leur procès.

De la même façon, des obstacles structurels tels que le manque de personnel, de moyens financiers dans les structures hospitalières publiques, l’absence de cycle continu de développement des capacités du personnel médical en matière de documentation médico-légale de la violence et de l’agression affectent la qualité de la documentation médicale et médico-légale. Des obstacles tout à fait similaires touchent aussi l’institution judiciaire.

Dans ce sens, le rapport suggère à l’État tunisien de veiller à que le cadre normatif et les garanties institutionnelles soient en place pour prévenir les violations et garantir l’obligation de rendre des comptes et la réparation des préjudices.

Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’un travail systématique mené par SANAD pour renforcer la preuve médicale et médico-légale dans les dossiers de ses bénéficiaires et favoriser ainsi leur accès à la justice et notamment à une réparation satisfaisante. Cette première analyse a déjà donné lieu à des échanges interdisciplinaires entre professionnels de la santé et du droit afin d’identifier des réformes à mener pour résoudre les obstacles identifiés dans ce rapport. SANAD souhaite contribuer à la poursuite de ces échanges et voir la participation des autorités administratives compétentes. 

Dans l’attente de la mise en œuvre de réformes procédurales et structurelles profondes, SANAD Elhaq et son réseau d’avocats travaillent de façon continue sur l’élaboration de bonnes pratiques pour aider les victimes de torture et mauvais traitements à accéder à une preuve médicale et médico-légale de qualité et garantir une utilisation adéquate de cette preuve par les magistrats à toutes les étapes du parcours judiciaire.

Contact presse

Ines Lamloum | Téléphone : 98 746 590 – Email : il@omct.org

Hélène Legeay | Téléphone : 98 746 566 – Email : hl@omct.org

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