ADEL TARFAOUI

En un clin d’œil et sans préavis aucun, il a été kidnappé devant l’institut où il étudiait. C’était en 1993. Il passa seize jours durant ligoté à une chaise. Tout au long de cette période, il a été crucifié, torturé et a vécu toutes sortes d’humiliation et d’affronts. Il a été condamné à 20 mois de prison pour appartenance à une association non autorisée et pour des réunions secrètes tenues illicitement. Après sa sortie de prison, il a été contraint, lui qui habitait dans une zone frontalière lointaine, de marquer sa présence quotidiennement au poste de police. Là, il a connu toutes sortes de tracasseries et de procédures frontalières. Il était forcé de se déplacer à dos d’âne pour une distance de 11 kilomètres par jour pour arriver au commissariat de police.
S’il osait s’absenter, à cause de la tombée de la neige dans sa localité, il n’était pas autorisé à quitter le commissariat avant minuit de la journée du lendemain quand il se pointa pour marquer sa présence.
Même le petit commerce, qu’il a créé pour sauver la face et gagner sa vie, ils l’ont obligé à le fermer. Ensuite, il a fait le tour de tous les marchés en quête d’un travail mais en vain. Heureusement pour lui que sa famille et sa belle-famille étaient compréhensives et l’avaient soutenu pour dépasser le harcèlement et les tracasseries qui le guettaient. Il a causé du tort à tous les membres de la famille, et surtout à sa mère, qui a toujours été terrorisée par les descentes quotidiennes nocturnes de la police pour effectuer les interrogatoires et les fouilles avant de quitter et laisser la maison sens dessus dessous.
Ils ont arrêté son frère et l’ont forcé à s’enrôler dans l’armée. Sa sœur aînée souffrait constamment de troubles psychologiques. Sa femme, qu’il considérait comme une vraie militante, se déplaçait entre la ville de Kasserine et Sousse, pour passer la nuit sous le mur de la prison, car la visite avait lieu pendant un jour alors que le couffin est livré le jour suivant.
« Je ne me souciais guère de ce qu’ils faisaient. Je n’ai plus rien à perdre. Je suis devenu un militant par excellence, et ce après avoir subi toutes les méthodes de discrimination systématique de racisme inique. J’ai également été traité de tous les noms à l’instar de terroriste, khwanji, œuf pourri etc… je me suis assuré, que le régime bourguibien était plus clément que celui de Ben Ali. Au moins, Bourguiba n’a jamais privé les prisonniers de leurs sources de vie après avoir purgé leur peine ».
Adel est resté solide, comme il le dit « je suis un fils de la campagne ». J’ai résisté à l’injustice, à la tyrannie et aux harcèlements qui vous atteignent au point où vous vous détestez et vous détestez tout.
Aujourd’hui, nous avons passé le stade de la tyrannie. Nous voulons, pour la Tunisie post-révolution, une justice indépendante et des structures politiques justes. Nous espérons que l’Instance vérité et dignité soit équitable envers les victimes de la torture et ceux qui ont été privés de leurs libertés.