Chaque année, le 8 mai, à l’occasion de la journée nationale contre la torture en mémoire du martyr Nabil Barketi, décédé sous la torture dans un poste de police à Gaafour le 8 mai 1987, la société civile fait entendre sa voix avec force en Tunisie. C’est en ce jour symbolique que la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme, SANAD, Psychologues du Monde Tunisie, l’Association tunisienne pour la justice et l’égalité Damj, Génération Anti-Marginalisation, Awledna, et Ifriqiya annoncent avec fierté la création de l’Alliance Contre la Torture (ACT). ACT lance ce même jour sa première campagne contre l’impunité, ancrée dans les récits des survivants de la torture.
Le recours à la violence par des agents sécuritaires continue d’être répandu car il est profondément ancré dans leurs pratiques. Nos organisations n’ont jamais cessé de documenter, chaque année, de nombreux cas de torture et mauvais traitements infligés dans divers contextes. Des agressions perpétrées par des agents de police, de la garde nationale ou des agents de prison à des fins punitives, à la suite d’une dispute d’ordre privée ou survenue dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions de maintien de l’ordre, ou encore motivée par la discrimination sexuelle, religieuse ou raciale se déroulent en public et en détention.
Le phénomène tortionnaire et l’impunité qui le recouvre menacent aujourd’hui, les libertés et l’état de droit, particulièrement dans un contexte de transition quasi-perpétuelle, dont l’issue demeure incertaine. Cette transition a malheureusement été marquée par des violations flagrantes des droits humains et des restrictions des libertés.
L’émergence d’un réseau anti-torture à ce moment précis découle d’une série d’événements et d’expériences qui ont mis en lumière la nécessité pressante pour les membres d’unir leurs efforts en faveur de la production d’une expertise sur le phénomène tortionnaire.
ACT vise à à documenter les cas de torture et de mauvais traitements, à favoriser l’accès des victimes à une prise en charge, à sensibiliser l’opinion publique les multiples facettes de la violence d’Etat, et à plaider en faveur de politiques et de réformes législatives pour mettre fin à ces pratiques inhumaines.
Une cause majeure de la persistance de la torture réside dans l’impunité qui résulte elle-même notamment de l’inadéquation de définition de la torture formulée à l’article 101 bis du code pénal, par rapport à la définition internationale donnée par la Convention contre la torture ratifiée par la Tunisie. La réforme de l’article 101 bis est réclamée par la société civile depuis plus de 10 ans. En 2016, le Comité contre la torture des Nations unies a fait de cette réforme une de ses premières recommandations. Huit ans plus tard, la réforme n’a toujours pas été initiée.
Alors que le nouvel examen de la Tunisie par le Comité contre la torture approche, ACT lance une campagne pour mettre en lumière l’urgence de réformer l’article 101 bis et promouvoir un projet de loi
En ce 8 mai 2024, nous rendons aussi hommage au courage et à la persévérance de Si Ridha Barketi, le frère du martyr Nabil Barketi, dans sa quête de vérité et son combat contre l’impunité. Si Ridha, votre engagement militant est une source d’inspiration pour nous tous dans notre lutte pour une Tunisie meilleure, sans torture et avec redevabilité.