Sous l’appellation officielle et neutre de « centre d’accueil et d’orientation », le centre d’El Ouardia détient à nouveau arbitrairement des étrangers et des migrants.
Malgré des années de procédures, multiples assignations du ministère de l’Intérieur devant le Tribunal administratif qui s’est prononcé sur l’illégalité de la privation de liberté dans ce centre, contraire au droit tunisien, et aux engagements internationaux de la Tunisie, le ministère de l’Intérieur utilise encore et toujours ce centre pour détenir arbitrairement des personnes.
Le 10 juillet 2020, le Tribunal administratif, saisi par un groupe d’avocats soutenus par ASF, FTDES, OMCT et Terre d’Asile Tunisie, avait suspendu la détention de 22 migrants au centre d’El Ouardia au motif que leur privation de liberté était contraire au droit tunisien, tout comme aux engagements internationaux de la Tunisie, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture. Ce n’est qu’après deux mois, le 23 septembre, que le ministère de l’Intérieur a appliqué cette décision.
Deux ans après cette décision historique, de nouveaux migrants sont de nouveau détenus arbitrairement au centre d’El Ouardia.
Au-delà des conditions de détention déplorables, le problème réside avant tout dans les principes qui régissent ce centre, dénué de tout fondement juridique.
Ce centre qui est sous la tutelle de la Direction des frontières et des étrangers au sein du ministère de l’Intérieur, n’est ni enregistré ni administré officiellement comme un lieu de privation de liberté en Tunisie. Toute privation de liberté dans ce centre constitue de ce fait une détention arbitraire. En outre, la détention dans ce centre se caractérise par l’absence de procédures légales ou de contrôle judiciaire, des limites d’accès à un avocat, l’absence de notification écrite de la base légale du placement en détention, ainsi que l’absence de recours effectifs, ce qui peut exposer la victime privée arbitrairement de sa liberté à davantage de violations de ses droits fondamentaux.
En plus de l’absence de base légale du centre lui-même, le droit tunisien ne prévoit pas de rétention administrative : de ce fait, les étrangers et les migrants y sont retenus à la suite d’une décision administrative implicite dénuée de fondement légal. Par ailleurs, bien que des poursuites pénales soient prévues à l’égard d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire tunisien, des cas de détention arbitraire ont été prouvé à l’encontre de demandeurs d’asile et de personnes disposant d’un permis de séjour régulier.
Pour toutes ces raisons, la détention au centre Ouardia est un système de rétention punitive, arbitraire et illégal, jugée également comme contraire au droit tunisien par la justice tunisienne elles-mêmes[1], mais reste pourtant toujours appliquée.
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Liste des organisations signataires :
[1] https://ftdes.net/detention-arbitraire-au-centre-del-ouardia-le-cauchemar-se-termine-pour-22-migrants-mais-il-se-poursuit-pour-dautres/