Question 1 : En tant qu’avocat-e, comment voyez-vous votre rôle dans la défense des DH et libertés ?
Personnellement, je vois que mon rôle dans la défense des droits humains s’inscrit dans une lutte commune qui s’est concrétisée et a pu avoir un impact et gagner plus de valeur à travers l’espace civique. C’est à travers la convergence des luttes pour la protection des droits humains que mon apport en tant qu’avocat des droits humains a pris tout son sens. La lutte pour les droits des populations vulnérabilisées dépasse leur représentation légale pour moi il s’agit d’apporter un accompagnement pour des personnes souvent en situation extrêmement précaire.
Question 2 : Cette défense (dans le contexte actuel) vous crée-t-elle une certaine pression ou menaces ?
Les menaces existent en partie indépendamment du contexte actuel, du fait que nous nous retrouvons en première ligne pour défendre des défenseur.e.s des droits humains ou de victimes appartenant à des populations qui souvent sont visés par le ministère de l’intérieur, dans mon cas je peux citer la défense des droits de la communauté LGBTQIA+ et des personnes migrantes.
Ces menaces sont sérieuses et peuvent même compromettre la sécurité physique des avocat.e.s et toucher à leurs statuts, leur source est souvent les forces de sécurité mais pas uniquement, il y a aussi la stigmatisation et les querelles idéologiques et convictionnelles au sein de la société et du corps de métier même. Les menaces dans le contexte actuelle sont en train de prendre une autre forme encore plus grave qui consiste en l’émergence d’une sorte de conscience collective selon laquelle le droit à la défense ne doit plus avoir une place au sein du nouveau système. En tant qu’avocat je suis en train de le sentir au quotidien dans le contact avec les forces sécuritaires dans les postes de police par exemple que l’on essaye de minimiser le rôle de la défense et il y a un sentiment général que la présence des avocat.e.s qui est sensée être un acquis et de plus en plus remise en question et qu’il existe une volonté de la part du ministère de l’intérieur de reprendre son pouvoir d’antan. J’ai particulièrement perçu la montée de ces menaces en 2023 quand j’ai pris en charge des dossiers de violations à l’encontre des personnes migrantes en Tunisie dont les auteurs sont souvent des acteurs institutionnelles ou j’ai subi des intimidations commençant par la salle des audiences ou les personnes présentes dans la salle tiennent des propos racistes allant jusqu’aux forces sécuritaires qui profitent du fait que légalement tu portes assistance à des personnes en situation irrégulière ce qui est criminalisé par la loi tunisienne, et ici il s’agit d’un autre élément aggravant qui est l’existence de lois en vigueur qui peuvent être utilisées pour nuire au droit à la défense. En outre le climat d’impunité qui règne quant aux violations graves des droits humains notamment les crimes de torture crée une sorte de climat de connivence qui donne le feu vert à davantage de violations. Tout cela conduit à ce qui est à mon sens la conséquence la plus dangereuse qui consiste en l’épuisement des avocat.e.s et la perte d’espoir quant à la saisine de la justice par les justiciables.