La Tunisie persiste dans ses pratiques tortionnaires



Tunis, le 20 juillet 2023 – L’Organisation mondiale contre la torture vient de nouveau de saisir le Comité contre la torture des Nations unies pour dénoncer les tortures et mauvais traitements infligés à un couple de migrants subsahariens déportés à la frontière libyenne le 10 juillet.

Ils ont été arrêtés près de Sfax le 9 juillet, par une patrouille composée d’agents de police et de la garde nationale. D’après le témoignage du mari, M.H., ils ont été battus et embarqués de force dans un bus, avec près de 160 autres migrants, tous subsahariens, et dont la plupart ont aussi été sévèrement battus. Le lendemain, le bus les a déposé dans la zone militaire, à la frontière avec la Libye. Cela fait 10 jours que ces dizaines d’hommes, femmes, enfants et bébés sont détenus dans cette zone tampon en bord de mer, sans eau, sans nourriture, sans aucun des biens essentiels à leur survie. Ils y ont rejoint d’autres migrants subsahariens déportés précédemment et qui croupissent dans ces conditions depuis plus longtemps encore.

D’un côté, les militaires tunisiens les empêchent de revenir en Tunisie. De l’autre côté, les gardes-frontières libyens refusent de les laisser passer. M.H. et d’autres personnes déportées ont rapporté que les migrants avaient été battus à plusieurs reprises par les forces de sécurité tunisiennes, notamment quand ces dernières les soupçonnent de communiquer avec l’extérieur ou de vouloir revenir sur le territoire tunisien. Les autorités tunisiennes empêchent tout acheminement de l’aide humanitaire et infligent de ce fait sciemment aux migrants déportés une forme de torture qui a vraisemblablement déjà conduit à la mort de plusieurs personnes.

Il y a dix jours, l’OMCT avait déjà saisi en urgence le Comité contre la torture pour dénoncer les tortures infligées à un autre migrant, V.F., déporté dans la même zone le 1er juillet. Le Comité avait alors ordonné à la Tunisie « de permettre qu’une assistance humanitaire soit fournie au requérant et à d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation ». Quelques jours plus tard, des experts du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies avaient demandé aux autorités tunisiennes de cesser immédiatement les déportations et d’étendre l’accès à l’aide humanitaire.

Pourtant le jour-même ou V.F. était extrait du désert, M.H. et son épouse étaient déportés dans la même zone, dans les mêmes conditions. Loin de répondre aux demandes des autorités onusiennes, le gouvernement tunisien a accru sa politique répressive, encouragé par une Union européenne décidée à fermer les yeux sur des crimes de masse tant que les pays d’Afrique du Nord se montrent enclins à endiguer l’émigration vers l’Europe.

On assiste aujourd’hui, en Tunisie, à des violations massives des droits humains infligées à des centaines, voire milliers de migrants, réguliers ou irréguliers, qui ont tous en commun d’être ciblés en raison de leur couleur de peau. Ce faisant, la Tunisie viole ses engagements internationaux les plus fondamentaux, et notamment la Convention contre la torture, la Convention relative au statut des réfugiés ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’OMCT appelle les autorités tunisiennes à cesser immédiatement les déportations collectives de migrants subsahariens et les tortures et mauvais traitements qui les accompagnent. Elles doivent permettre en urgence l’acheminement de l’aide humanitaire et prendre toute mesure nécessaire à la protection de l’intégrité physique et psychologique des personnes déportées, notamment en veillant à ce qu’elles ne fassent pas l’objet d’expulsions dangereuses vers la Libye ou l’Algérie.

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