La brutalité policière post 25/07 : l’impunité encore et toujours ?



23 Octobre 2021, Tunis*

La nuit du 21 octobre 2021, en plein centre-ville de Tunis, Badr Baabou, défenseur des droits humains et président de Damj, l’association pour la justice et l’égalité, est sauvagement brutalisé par deux agents des forces de l’ordre.

Sur le chemin du retour vers son domicile, Badr se retrouve pris dans un guet-apens par deux policiers, qui le démunissent d’abord de ses effets personnels, notamment ses pièces d’identité, son ordinateur ainsi que son téléphone portable. Ses agresseurs lui assènent ensuite plusieurs coups violents sur tout le corps et le visage comme le démontre les photos de sa post agression[1]. Ces actes graves de brutalités et de sauvagerie se sont accompagnés de propos haineux, vindicatifs et discriminatoires : « Voici ce qui arrive à qui insulte la police ! Voici ce qui arrive à qui porte plainte contre la police ! »

Ces actes ne sont pas les premiers du genre, ni non plus un fait isolé ou une simple bévue de policiers zélés. L’on constate un acharnement systématique, une répression délibérée des défenseur.e.s  des droits humains et des libertés individuelles. Les journalistes, les féministes, les activistes contre les inégalités liées au genre et aux orientations sexuelles en font les frais comme le montre l’affaire de Arroi Baraket, « coupable d’être journaliste et féministe »[2]

L’impunité continue des agents des forces de l’ordre, indubitablement reconduite depuis le 25 juillet 2021, jour de l’instauration de l’état d’exception par le Président Kais Saied, balaie d’un revers de main toutes ses promesses présidentielles autour du respect  des droits et des libertés et de  non retour au pré-25 juillet. La rupture avec cette ère est loin de voir le jour si les institutions d’un pays, qui se prétend avoir les ambitions d’un Etat de droit, restent muettes, voire cautionnent les pratiques systématiques de la brutalité policière[3].

Ainsi, les collectifs, coalitions, associations et organisations signataires :

  • Affirment leur soutien indéfectible au militant Badr Baabou, à tou.te.s les activistes et défenseur.e.s des droits humains harcelé.e.s et violenté.e.s en raison de leur militantisme et engagement en faveur des libertés et droits humains, ainsi qu’à toutes les causes qu’elles/ils portent et défendent ;
  • Condamnent avec fermeté l’agression caractérisée commise sur la personne de Badr Baabou, ainsi que sur toute personne, citoyenne ou non citoyenne ayant exercé ses droits et libertés constitutionnellement garantis ; et rejettent catégoriquement la qualification de « cas isolé » attribué à ce genre de violation ;
  • Exigent qu’il soit mis fin immédiatement à l’état d’impunité et de pouvoirs exorbitants des forces de l’ordre et de sécurité, mobilisés pour réprimer les libertés et les droits ;
  • Exhortent le Procureur de la République auprès du TPI de Tunis à ouvrir immédiatement une enquête ;
  • Apportent à Badr Baabou toute l’assistance nécessaire à sa défense et à sa protection, et déclarent la constitution d’un comité de défense composé de plusieurs avocat.e.s militant.e.s chargé.e.s de sa représentation en justice ;
  • Réitèrent leur volonté de sauvegarder et de défendre les acquis de la Révolution, dont les droits et les libertés fondamentales garanties par la Constitution de 2014 ;
  • Exigent de la Présidence de la République, en vertu des pouvoirs qu’elle s’est arrogées, de respecter ses engagements relatifs aux droits et aux libertés fondamentales ;
  • Réclament des réformes de fond des systèmes sécuritaire et judiciaire, la redevabilité de toutes les parties prenantes et mettent face à leurs responsabilités les bailleurs engagés dans la mise en place de ces réformes.

Les collectifs, coalitions, associations et organisations signataires, face à l’arbitraire du système sécuritaire et au silence complice des autorités, invitent les journalistes, les différentes composantes de la société civile et toutes les forces progressistes du pays à une conférence de presse, à la date du 27 octobre, à 10h, aux bureaux du SNJT, pour mettre la lumière sur le caractère systématique des violations policières, leur continuité malgré les rassurances présidentielles post 25/07 et les dérives dictatoriales qui en résultent.

Collectifs, coalitions, associations et organisations signataires :

  1. Collectif Civil pour les Libertés Individuelles, CCLI
  2. Observatoire pour la Défense du Droit à la Différence en Tunisie, O3DT
  3. Alliance pour la Sécurité et la Liberté, ASL
  4. La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, LTDH
  5. L’Association Tunisienne pour la Défense des Libertés Individuelles, ADLI
  6. L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, ATFD
  7. L’association tunisienne pour la justice et l’égalité, DAMJ
  8. Association Beity
  9. Association du Droit à la Différence, ADD
  10. Avocats Sans Frontières, ASF
  11. Initiative Mawjoudin pour l’Egalité
  12. Le Groupe Tawhida Ben Cheikh
  13. EuroMed Droits
  14. DIGNITY – Dansk Institute Against Torture
  15. ATL MST SIDA TUNIS
  16. L’Organisation Mondiale Contre la Torture, OMCT
  17. Amid Vision Organisation
  18. L’Union nationale des femmes tunisiennes, Délégation Kairouan
  19. Attalaki pour la liberté et l’égalité
  20. Asda Djerba
  21. Association 7ème dimension
  22. Danseurs Sud Citoyens, DSC
  23. By L’Hwem
  24. Association Mada
  25. Association Southcom
  26. Association tunisienne de l’action culturelle

[1] Voir le communiqué de presse de DAMJ et la vidéo qui l’accompagne : https://www.facebook.com/damj.tunisie/videos/4449314395114223/

[2] Voir le communiqué de presse signé par plusieurs OSCs :  http://adlitn.org/ar/lescalade-des-charges-contre-arroi-baraket-est-injustifiee-et-doit-etre-rejetee/

[3] Pour rappel, cette agression gravissime survient exactement une année après l’embrasement des rues tunisiennes par des manifestations massives contre le projet de loi relative à la répression des atteintes contre les forces armées, suite auxquelles plusieurs activistes de la société civile et défenseur.e.s de droits humains se sont vu.e.s arrêté.e.s, brutalisé.e.s et poursuivi.e.s en justice. Parmi ces défenseur.e.s, plusieurs membres de l’association Damj, sur lesquels pèsent encore l’accusation d’outrage à un fonctionnaire public (article 125 du code pénal tunisien).


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