Tunis, le 7 octobre 2021 – Les récentes décisions du Tribunal administratif rejetant les recours en référé contre des assignations à résidence arbitraires ordonnées par le ministère de l’Intérieur après le 25 juillet portent un coup à l’état de droit tunisien.
« La juridiction administrative semble avoir décidé de donner un blanc-seing à l’exécutif en fermant les yeux sur le caractère manifestement arbitraire de ces mesures et les lourdes conséquences matérielles et morales qu’elles engendrent sur ceux qui les subissent », constate Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT. « Dans un revirement jurisprudentiel des plus inquiétants le tribunal semble avoir ouvertement renoncé à son rôle de garde-fou contre les abus de pouvoir, alors qu’il s’était jusqu’alors le plus souvent distingué par son indépendance dans les contentieux relatifs à des restrictions arbitraires de liberté par le ministère de l’Intérieur ».
Espérant que le tribunal administratif retrouve son rôle de protecteur des libertés, l’OMCT met à la disposition des victimes de restrictions de liberté arbitraires deux modèles de recours en référé comprenant une analyse juridique détaillée de l’illégalité des mesures concernées :
L’OMCT va en outre fournir un appui technique à plusieurs victimes de restrictions arbitraires de liberté afin qu’elles puissent saisir le Comité des droits de l’homme des Nations unies. Il est urgent que les autorités tunisiennes se conforment aux standards internationaux applicables en la matière.
Retour sur un revirement jurisprudentiel liberticide
Les deux derniers mois ont été marqués par une multiplication des mesures attentatoires à la liberté de circulation de citoyen.ne.s. Ces mesures de contrôle administratif ordonnées par le ministère de l’Intérieur prennent essentiellement deux formes : l’interdiction / l’empêchement à quitter le territoire et l’assignation à résidence. Ces atteintes à la liberté de circulation des individus ne sont pas nouvelles. Des centaines, voire des milliers de personnes fichées S les ont subies ces dernières années. Elles ont été encore davantage généralisées depuis l’activation de l’État d’exception le 25 juillet malgré une jurisprudence très fournie du tribunal administratif qualifiant jusqu’à présent ces mesures d’inconstitutionnelles.
Aujourd’hui, le tribunal administratif a opéré un revirement jurisprudentiel qui pose question. Une mesure restrictive de liberté sera normalement suspendue en urgence par le tribunal si elle remplit deux conditions : elle doit être manifestement illégale et être susceptible d’engendrer un préjudice irréparable. Les mesures de contrôle administratif mises en œuvre par le ministère de l’Intérieur sont arbitraires car elles violent les conditions de légalité, nécessité et proportionnalité qui doivent être respectées par toute mesure de restriction de liberté.
En outre, en pratique, les restrictions de liberté engendrent des préjudices psychologiques et matériels indéniables sur les personnes qui les subissent. Les assignations à résidence sont particulièrement lourdes de conséquences en ce qu’elles portent le plus souvent une atteinte immédiate et manifeste au droit au travail, au droit à la vie familiale ou encore au droit à la santé entre autres droits et libertés fondamentaux. Les assignations à résidence peuvent donner lieu à un véritable harcèlement policier et même être constitutives de détention arbitraire lorsque le périmètre de l’assignation est restreint.
Malgré cela, le tribunal administratif a récemment estimé que rien n’établissait que les assignations à résidence engendrent des préjudices irréparables sur les personnes qui les subissent, sans d’ailleurs répondre aux arguments sérieux établissant que de telles mesures sont manifestement illégales. Ces décisions ont en outre été rendues après un délai excessivement long.
Contact médias :
En français/anglais : Hélène Legeay, hl@omct.org – Tél. : +216 98 746 566
En arabe : Hafid Hafi, hah@omct.org – Tél. : +216 98 746 582