Refoulement de migrants subsahariens vers la frontière libyenne



Le lundi 27 septembre 2021, différentes embarcations, quatre de nationalité étrangères et trois tunisiennes, ont quitté Kerkennah, l’archipel situé au large de la côte de Sfax. Après 12 heures de navigation, ils ont été interceptés par les unités maritimes de la garde nationale tunisienne, qui les ont ramenés vers la côte.

Selon les témoignages recueillis, les personnes de nationalité tunisienne auraient été libérés, tandis que les personnes d’origine subsaharienne ont été transférés vers la frontière libyenne.

Selon nos sources, le groupe d’étrangers était composé d’une centaine de personnes, dont plusieurs femmes, dont au moins trois étaient enceintes, ainsi que plusieurs mineurs.

À leur arrivée à la frontière avec la Libye, les agents de la garde nationale tunisienne auraient poussé  sous la menace des armes, les migrants à franchir la frontière libyenne. 

Un premier groupe de migrants a traversé la frontière libyenne et aurait été enlevé sur le territoire libyen. Selon nos sources, ils seraient actuellement détenus non loin de la frontière, à Zouara, dans une maison privée. Les ravisseurs  auraient exigé environ 500 dollars par tête pour les libérer.

Un autre groupe de migrants, initialement bloqués à Ras Jedir, aurait été arrêté récemment par les Libyens. Leurs téléphones, qui sont injoignables, seraient confisqués. Il y aurait deux femmes enceintes dans ce groupe, dont une femme de huit mois.

Des vidéos circulant en ligne montrent une femme qui a accouché en plein air et avec le seul appui d’un homme qui l’accompagnait. Les forces armées, qui auraient assisté à l’accouchement, les ont ensuite transférés à l’hôpital de Ben Guerdane.

Selon les témoignages recueillis, le groupe de migrants a été violemment battu à plusieurs reprises par les forces de sécurité tunisiennes depuis leur interceptions et jusqu’à leur refoulement à la frontière.

Des informations récentes rapportent que plusieurs femmes subsahariennes ont été violées en Libye, où tout le groupe de migrants est maltraité et privé de nourriture et d’assistance depuis maintenant cinq jours.

D’autres témoignages confirment qu’une autre déportation vers la Libye a eu lieu à la fin du mois d’août, impliquant également de nombreuses femmes et mineurs. La déportation vers la frontière libyenne du 27 septembre n’est pas un cas isolé mais fait partie des pratiques récurrentes de la part des autorités tunisiennes envers la population migrante en Tunisie.

Le comportement des autorités tunisiennes viole le droit international  les dispositions de la convention de Genève de 1951 relative aux réfugiés, ratifiée par la Tunisie en 1957.

Il semble que les expulsions soient systématiquement effectuées sur la base de la présomption que les ressortissants étrangers sont passés par la Libye avant d’entrer en Tunisie, malgré le fait que les personnes ont été arrêtées alors qu’elles tentaient de quitter la Tunisie et non en traversant la frontière tuniso-libyenne.

En outre, les déportations vers la Libye, qui ne peut en aucun cas être considérée comme un pays sûr vers lequel renvoyer des migrants, ne sont pas conformes au droit international et au principe de non-refoulement.

Le refoulement d’hommes, de femmes, dont plusieurs enceintes, et d’enfants, sans aucune procédure d’identification et d’assistance initiale, et sans leur donner la moindre possibilité de demander la protection internationale, viole les droits humains fondamentaux et le droit d’asile lui-même.

Cet épisode est d’autant plus grave que la Libye est un pays qui ne dispose d’aucune législation sur le droit d’asile et dont la violence et la torture à l’encontre des migrants ont été maintes fois dénoncées par la communauté internationale. 

La Tunisie expose des personnes, dont beaucoup en état de grande vulnérabilité, au risque réel d’être soumises à des traitements inhumains et dégradants en Libye.

Les refoulements vers la Libye rendent la Tunisie complice des graves violations et violences que les personnes transférées là-bas sont contraintes de subir.

Les associations signataires dénoncent les violations de droits humains dont sont victimes les migrants subsahariens et demandent aux autorités tunisiennes de leur permettre de retourner sur le territoire tunisien pour assurer une prise en charge adéquate de leur situation.

Les associations signataires :

ASF – Avocats Sans Frontières

FTDES – Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux

OMCT – L’Organisation mondiale contre la torture

Association ASGI – Associazione per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione

Terre d’Asile Tunisie

Médecins du monde, mission Tunisie

ADLI- Association tunisienne de défense des libertés individuelles

Association BEITY

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