Tunis, le 27 mai 2021
Abdallah Kallel, Ezzedine Jenayeh, Abdelfatah Adib, Abderrahmane Kasmi, et d’autres. Un total de 1426 accusés poursuivis pour torture et d’autres violations graves devant les chambres criminelles spécialisées en justice transitionnelle, et la majorité écrasante fuit jusqu’à ce jour leur procès. Selon nos informations, 130 mandats d’amener ont été délivrés par les chambres spécialisées, sans aucune exécution de la part du ministère de l’intérieur.
Alors que plusieurs procès touchent à leur fin et que des jugements devraient être rendus prochainement, faisant ainsi franchir à la jeune démocratie tunisienne une étape hautement symbolique, le succès du processus est mis en péril par l’absence prédominante des accusés.
Cela fait trois ans que le premier procès a débuté devant la chambre spécialisée de Gabès dans l’affaire “Kamel Matmati”, victime de disparition forcée en 1991. Depuis, toutes les autres affaires renvoyées par l’Instance Vérité et Dignité aux chambres spécialisées avec des actes d’accusations ont donné lieu à l’ouverture d’un procès. Les audiences se succèdent, victimes et témoins défilent à la barre pour livrer leur version des faits et contribuer à l’établissement de la vérité et à la reddition de comptes qui sont au coeur du mandat des chambres spécialisées. Mais l’exercice est considérablement compromis par l’absence d’une partie essentielle au procès : les accusés. Certes, plusieurs se sont déjà présentés à une ou plusieurs audiences et ont pu être entendus par les magistrats. D’autres sont décédés avant ou après le début du procès. Mais un nombre très conséquent d’accusés demeure toujours absent.
Avant chaque audience, les chambres leurs adressent des convocations. Lorsque celles-ci restent lettres mortes, les magistrats délivrent des mandats d’amener ordonnant à la police judiciaire d’arrêter les accusés pour les conduire par la contrainte dans la salle d’audience. La démarche est vaine. La police judiciaire n’exécute pas les ordres, parfois sans fournir aucune justification, parfois en prétendant que les accusés n’ont pas pu être localisés. Il ne fait pourtant aucun doute que les adresses de plusieurs de ces accusés, des anciens responsables de l’appareil sécurité, est parfaitement connue du ministère de l’Intérieur.
Début avril, plusieurs victimes ont porté plainte contre les officiers de police judiciaire qui n’exécutent pas les mandats d’amener ordonnés par les chambres et permettent ainsi aux tortionnaires d’échapper à la justice. Ce comportement des officiers de police judiciaire constitue en effet une infraction pénale ainsi qu’une faute grave et devrait faire l’objet de sanctions pénale et disciplinaire.
L’absence des accusés n’est pas le seul obstacle entravant la justice transitionnelle. Mais c’est un obstacle rédhibitoire. Non seulement elle compromet la révélation de la vérité et la réparation légitime des victimes, mais elle traduit aussi la persistance d’une justice à deux vitesses qui a été au coeur des revendications des révolutionnaires en 2011. Au-delà de la justice transitionnelle, c’est la construction de l’état de droit tunisien qui est mise en cause par l’inexécution des mandats d’amener.
Afin d’enrayer au plus vite cette dérive, nos organisations appellent :
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