Un centre de détention arbitraire en plein Tunis
22 migrants – centre d’El Ouardia
En septembre 2020, le ministère de l’Intérieur a libéré 22 migrants détenus arbitrairement au centre d’hébergement d’El Ouardia. Ils ont passé des mois détenus sans fondement juridique, dans un lieu qui n’est pas officiellement un centre de détention. En juin 2020, ils ont saisi le tribunal administratif pour contester leur détention arbitraire. Un recours novateur qui a été couronné de succès même si le ministère de l’Intérieur a tardé à les libérer. Malgré cela, depuis, de nouveaux migrants ont été placés en détention à El Ouardia et victimes eux aussi des mauvais traitements inhérents à l’arbitraire de leur détention.
Ils ont été détenus pendant des mois dans un lieu considéré d’un point de vue légal comme un centre d’hébergement et d’orientation. Un centre dont ils ne pouvaient pourtant pas sortir et qui opère concrètement comme un lieu de détention illégal.
Ce groupe de 22 migrants, comme ceux qui les ont précédés ou leur ont succédé dans le centre, ont été accusés par l’administration d’entrée ou de séjour irrégulier sur le territoire tunisien. Mais une telle infraction ne pouvait pas suffire à justifier leur détention en dehors de toute procédure légale et de tout contrôle juridictionnel, d’autant que certains d’entre eux avaient déjà étaient jugés et emprisonnés pour ces faits avant d’être internés à El Ouardia. En Tunisie, aucun texte de loi en vigueur ne permet de soumettre des migrants à une forme de détention administrative.
En outre, les 22 détenus n’ont pas été notifiés par écrit du fondement juridique de leur détention, ni de la durée de leur détention, ni de leurs droits à être assistés d’un avocat et d’un interprète et à contacter leur consulat, ni de leur droit à saisir la justice pour qu’elle contrôle immédiatement la légalité de leur détention. Leurs avocats n’ont pas été autorisés à leur rendre visite et n’ont même pas pu accéder à leur dossier. Ils sont ainsi demeurés pendant des mois privés de leurs droits fondamentaux sans savoir comment ni quand ces violations prendraient fin. Une violence psychologique assortie de mauvaises conditions de détention.
Grâce à l’assistance de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, les 22 migrants ont tenté un contentieux administratif qui n’avait jusqu’alors jamais été mené pour contester la légalité de leur détention. En juillet 2020, un mois après leur recours, le tribunal administratif a ordonné au ministère de l’Intérieur de les libérer. Il aura finalement fallu attendre plus de deux mois pour que les 22 migrants recouvrent tous leur liberté. Ils n’ont à ce jour toujours pas obtenu réparation pour les violations subies.
Bien qu’il soit établi que toute détention à El Ouardia est arbitraire, le ministère de l’Intérieur a depuis lors continué à y détenir des migrants, en toute impunité.