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Négligé jusqu’à la mort

Abdesslam, 30 ans, Sfax

Abdesslam a été arrêté après le couvre-feu dans la nuit du 28 février. Il est diabétique et son état de santé n’a cessé de se détériorer pendant sa garde à vue. Le 2 mars, il a été placé en détention provisoire à la prison de Thyna. Le lendemain, son état était tel qu’il a dû être transféré à l’hôpital. Il est mort pendant le trajet, victime de négligences en série. Le cas d’Abdesslam est un des 16 cas documentés par SANAD depuis 2014 dans lesquels les victimes sont mortes dans des circonstances toujours non élucidées au cours de leur détention ou à la suite d’un contact avec la police.

Dans la nuit du 28 février 2021, Abdesslam rentrait d’une réunion familiale en compagnie de son frère et de son cousin lorsqu’ils ont été arrêtés par des agents de la circulation car ils avaient dépassé l’heure du couvre-feu. Une dispute a éclaté entre son frère et les agents et les trois hommes ont été arrêtés et transférés au poste de Sfax Nord.

Là-bas, les deux frères ont été placés en garde à vue pour outrage à un fonctionnaire public, état d’ivresse et violation du couvre-feu. Deux heures plus tard, ils ont été transférés au commissariat de la Médina pour y passer la nuit. Le frère d’Abdesslam a dit aux agents que son frère était diabétique et avait besoin d’insuline mais les agents n’ont rien fait. Les parents des deux hommes sont venus au poste avec de l’insuline mais les agents ont refusé de la prendre.

L’état de santé d’Abdesslam se dégradant, les agents l’ont emmené à l’hôpital le 1er mars au soir. Selon ce qu’il a dit à son frère, Abdesslam y a effectué une radio du thorax, mais n’a pas reçu d’insuline, bien qu’il ait déclaré être diabétique. Il a été reconduit au commissariat puis les deux frères ont été transférés au poste de Chihia où ils ont signé des procès-verbaux sans même les lire, sur les conseils d’une avocate présente sur place qu’ils ne connaissaient pas. Abdesslam montrait des signes de faiblesse et l’avocate a notifié aux agents qu’il souffrait de diabète, mais ces derniers n’ont pas réagi.
Le lendemain, les deux frères ont passé la journée dans la geôle du tribunal de Sfax. Abdesslam était dans un état critique, souffrant de maux de ventre et de diarrhée, mais les agents de police n’ont rien fait. Le procureur a ordonné leur placement en détention préventive sans même les voir.

Le 2 mars au soir, ils sont arrivés à la prison de Thyna. Abdesslam a perdu connaissance et l’infirmier lui a administré une dose d’insuline, mais cela n’a pas suffi. Le lendemain matin, Abdesslam a dû être transporté en urgence à l’hôpital. La prise en charge a été trop tardive et il est mort sur le trajet. S’il est établi qu’il n’a pas été violenté pendant sa garde à vue, il a toutefois été victime d’une négligence criminelle qui doit faire l’objet d’une enquête prompte et de poursuites.

Une enquête a bien été ouverte mais quatre mois plus tard, la famille n’a toujours pas reçu le rapport d’autopsie.